Prise en compte de l'incertitude avec le modèle GENIE

Evaluation de l'incertitude des changements climatiques régionaux

Dans le projet SynsCOP15, nous avons utilisé la technique de l'émulation statistique pour quantifier l'incertitude dans les prédictions climatiques fournies par les modèles de complexité intermédiaire du système terrestre GENIE-1 (l'atmosphère y est représentée en 2D, l'océan en 3D) et GENIE-2 (atmosphère et océan en 3D). Les émulateurs produits par cette approche sont des substituts efficaces en terme de temps de calcul pour la résolution de ces modèles.

Les projections du changement climatique à l'échelle régionale sont nécessaires pour l'évaluation de l'incertitude dans de nombreuses applications de modèle d'évaluation intégrée. Nous avons appliqué ici des techniques d'émulation statistique pour générer des estimations du changement climatique et des incertitudes associées qui sont compatibles avec un éventail de résultats possibles des négociations COP-15 (cf, les scénarios décrits dans le présent site internet). Ces estimations se nourrissent des trajectoires d'émissions de GES pour le siècle à venir fournies par le modèle TIAM pour chacun des scénarios.

1) GENIE-1 : végétation terrestre et réchauffement à l'échelle du continent

L'approche retenue pour contruire les émulateurs pour le modèle GENIE-1 a été proposée dans (Holden et al, 2010). Elle aborde la conception et l'évaluation d'ensembles de changements climatiques. Afin de mieux quantifier l'incertitude du modèle, nous avons pré-calibré GENIE-1 (Edwards et al, à paraitre), permettant à 25 paramètres du modèle de varier chacun sur toute la plage de valeurs plausibles. Il est ainsi facile de reproduire les principales caractéristiques du climat en faisant varier les différents paramètres du modèle. Cette démarche conduit à une large diffusion des points forts de rétroaction à grande échelle, en englobant l'éventail des comportements GCM. Cependant, dans la conception d'un tel ensemble, il n'a pas été possible d'explorer tout l'espace d'entrée des paramètres du modèle avec une approche naïve de type Monte-Carlo; avec une telle approche, seulement 10 des 1000 éléments de l'ensemble amenaient à des évolutions plausibles du climat. Nous avons donc construit des émulateurs de l'état du climat à l'ère pré-industrielle avec GENIE-1 et nous les avons utilisés pour effectuer un rejet d'échantillonnage sur une collection de 1.000 jeux de paramètres que les émulateurs prédisaient comme plausibles; 894 d'entre eux se sont avérés conformes d'un point de vue de l'émulateur à l'ère ré-industrielle, dont 480 simulations plausible à l'ère glaciaire. Ces 480 configurations du modèle sont ainsi contraintes à la fois à reproduire le climat pré-industriel et à exposer les points forts de rétroaction qui sont compatibles avec un état climatique alternatif bien compris.


Dans le projet SynsCOP15, nous avons étendu cette approche en appliquant une évolution incertaine du forçage radiatif pour les 480 configurations de simulations plausibles. Ceci a été réalisé par la décomposition d'un éventail de trajectoires possibles de concentration de CO2 (de 2000 à 2100 AD) en polynômes de Chebyshev. Les émulateurs ont alors été construits à partir de ces 480 simulations. Ces émulateurs décrivent le changement au cours du siècle de la moyenne régionale (i) de l'augmentation de la température de l'air de surface, (ii) du stockage du carbone terrestre végétatif et (iii) de la couverture végétale fractionnée. Pour chacune de ces trois variables, quatre émulateurs ont été construits décrivant la variation moyenne sur quatre régions à l'échelle continentale : (i) de l'hémisphère Sud Asie / Afrique / Océanie, (ii) de l'hémisphère Nord Eurasie et l'Afrique, (iii) l'Amérique du Sud et (iv) l'Amérique du Nord. Les entrées de ces douze émulateurs régionaux sont les 25 paramètres du modèle et les trois coefficients associés aux polynômes de Chebyshev qui décrivent les trajectoires d'émissions de GES.

2) GENIE-2 : cartes des températures et des précipitations à une échelle plus fine (environ 1,000 km)

La  technique développée dans le cadre de SynsCOP15 applique la descente d'échelle pour construire des émulateurs des paramètres de sortie de GENIE-2 (Holden et Edwards, 2010). L'approche a été développée comme une alternative à l'extension du modèle (Mitchell et al 1999), une alternative qui nous permet de mieux saisir la non linéarité du comportement spatio-temporel de la valeur des paramètres. Par exemple, une région qui connait un petit changement dans ses précipitations devrait aussi faire face à une petite incertitude sur cette donnée (même si il est possible d'appliquer d'autres modèles pour capturer des réponses alternatives). Notre approche d'émulation capture naturellement ces différences entre la structure spatiale de la réponse simulée et la structure spatiale de l'incertitude. Notons que nous ne prenons en compte que les 5 premières composantes principales (qui regroupe environ 50% de la variance des précipitations simulées et environ 90% de la variance dans le réchauffement de la surface), mais que le modèle peut parfaitement être étendu pour prendre en compte des composantes principales de moindre influence.

De manière analogue à ce qui a été fait avec l'émulation de GENIE-1, GENIE-2 a été utilisé pour concevoir un ensemble de simulations plausibles des états climatiques à l'ère pré-industrielle.  Un ensemble de 245 éléments de simulation de trajectoires plausibles du climat futur a ainsi été généré. Nous avons ensuite étendu l'approche GENIE-1 en appliquant l'analyse en composantes principales pour projeter les paramètres de sortie du modèle en 2 dimensions sur un espace à 1 dimension. Nous avons alors produit les cartes sur base de l'espace des paramètres d'entrée (19 paramètres du modèle et 3 paramètres liés au forçage radiatif).

Ces émulateurs ont été construits pour produire des cartes en 2 dimensions de l'augmentation de la température moyenne de l'air de suface et des précipitations, ainsi que d'une estimation de l'incertitude associée.

L'émulation de 122 trajectoires prend de l'ordre de 0,06 secondes, à comparer aux pus de 1000 heures nécessaires au modèle dans son ensemble pour calculer le même ensemble de trajectoire (l'émulation est 60 millions de fois plus rapide). Cette rapidité, gagné au profit de l'approximation de la solution, ouvre la voie à des nouvelles utilisations des informations climatiques, notamment dans des utilisations harmonisées de modèles climatiques et énergétique ou économiques, tout en fournissant des informations sur la localisation de l'incertitude.

Références

Edwards NR, Cameron D and Rougier J (in press). Precalibrating an intermediate complexity climate model. Climate Dynamics, doi: 10.1007/s00382-010-0921-0

Holden PB, Edwards NR, Oliver KIC, Lenton TM and Wilkinson RD (2010). A probabilistic calibration of climate sensitivity and terrestrial carbon change in GENIE-1. Climate Dynamics, 35, 785-806, doi 10.1007/s00382-009-0630-8

Holden PB and Edwards NR (2010). Dimensionally reduced emulation of an AOGCM for application to integrated assessment modelling. Geophysical Research letters, 37, L21707. doi:10.1029/2010GL045137

Mitchell JFB, Johns TC, Eagles M, Ingram WJ and Davis RA (1999). Towards the construction of climate change scenarios. Clim. Change 41 547-581, doi:10.1023/A:1005466909820

Rougier J (2007). Probabilistic inference for future climate using an ensemble of climate model evaluations. Clim. Change, 81, 247-264. doi: 10.1007/s10584-006-9156-9