Prise en compte de l'incertitude avec le modèle GEMINI-E3

Differentes sources d'incertitude

Dans le projet SynsCOP15 ainsi que dans le programme de recherche EU-FP7: PLANETS (terminé en décembre 2010), nous avons étudié l'impact de différentes sources d'incertitude sur l'évaluation économique de politiques énergétiques d'atténuation à long terme. Nous nous intéressons en particulier à 4 sources d'incertitude : le climat, la technologie, l'économie et l'énergie. Ci-dessous nous présentons une analyse intégrée réalisée à partir de l'usage combiné des modèles TIAM et GEMINI-E3.

Combiner l'optimisation stochastique et les simulations de Monte-Carlo pour traiter l'incertitude dans l'évaluation de politiques climatiques

Nous proposons une approche duale, fondée sur l'utilisation combinée de la programmation stochastique et des simulations de Monte-Carlo (MC) pour faire face à ces incertitudes dans une analyse technico-économique impliquant deux modèles complémentaires. Une approche par programmation stochastique est mise en œuvre sur le modèle bottom-up d'évaluation intégrée TIAM (Loulou et Labriet, 2008) : le modèle propose une politique de réduction des émissions de GES entre aujourd'hui et 2030, suivie par quatre politiques de recours possibles, compatibles avec un objectif de limitation de l'augmentation de la température à 2.1°C en 2100 maximum, selon des hypothèses raisonnables sur le coefficient de sensibilité climatique, le fameux Cs (Andronova et Schlesinger, 2001). Les scénarios élaborés par TIAM tiennent compte de l'incertitude du coefficient Cs, mais reposent sur des hypothèses de prévision parfaite pour un grand nombre de paramètres techniques et économiques qui pourraient également impacter l'évaluation des politiques énergétiques.

Pour tenir compte de l'impact de ces autres sources d'incertitude sur l'évaluation de la politique climatique nous utilisons une simulation MC sur le modèle d'équilibre général calculable GEMINI-E3 (Bernard et Vielle, 2008), spécifiquement conçu pour évaluer les politiques climatiques et qui est géré de manière harmonisée avec TIAM. Nous prenons en compte plusieurs sources d'incertitude relatives à l'environnement économique général et technologique, en utilisant des simulations échantillonnées par des méthodes d'hypercubes latins (Iman et Helton, 1988) pour obtenir des fonctions de densité de probabilité (pdf) pour les variables de sortie de GEMINI-E3, telles que le bien-être, la réduction des émissions, etc.

Récemment, des approches basées sur des simulations MC ont été mises en œuvre avec succès sur le modèle EPPA qui est aussi un modèle modial d'équilibre général calculable (Webster et al., 2008). Les simulations du modèle EPPA utilisent la technique d'hypercube latin pour analyser les impacts de 100 paramètres incertains, y compris les taux de croissance de productivité du travail, les tendances de l'efficacité énergétique, les élasticités de substitution, les coûts des technologies de pointe, la disponibilité des ressources fossiles de carburant, etc. Ces simulations ont servi à évaluer quatre scénarios de politique climatique et a montré que les paramètres de la demande d'énergie, y compris les élasticités de substitution et les tendances d'efficacité énergétique sont les sources d'incertitude qui impactent le plus les politiques climatiques. L'étude précédente utilisant le modèle EPPA (Webster et al., 2002) était axée sur l'incertitude des prévisions des émissions anthropiques. Elle fait état d'une série de changements de température en 2100 comprise entre 0.9 et 4.0°C. Dans (Scott et al., 1999) des simulations de type Monte-Carlo ont été effectués avec le modèle d'évaluation intégrée MiniCAM 1.0 pour analyser les sources d'incertitude et leur importance relative dans le processus politique de décision. Le document conclut que les "objectifs actuels de stabilisation atmosphérique semblent trop ambitieux" et que "une politique adaptative de type "agir, puis apprendre, puis agir" semble offrir de meilleures perspectives pour l'équilibre des coûts/bénéfices incertains des politiques de réduction des GES que ne ferait pas une politique protectrice rigide". Plus récemment, des simulations MC ont été appliquées au modèle MERGE (Kypreos, 2008) pour produire des fonctions de distribution de probabilité des variables économiques et climatiques liées aux différentes politiques possibles. D'autres références concernant les simulations de Monte-Carlo sur des modèles mondiaux d'évaluation pourront être trouvées dans (Manne et Richels, 1994; Reilly et al, 1987;. Edmonds et Reilly, 1885).

Dans la présente étude nous identifions quatre classes d'incertitude liées à la technologie, l'économie, l'énergie et le climat. La première regroupe les paramètres technologiques, à savoir le coût et la date de disponibilité de la capture et séquestration du carbone (CSC), l'élasticité de substitution entre les formes d'énergie, l'élasticité de substitution entre les facteurs de production et les facteurs de progrès technique. La deuxième classe regroupe des indicateurs économiques tels que la croissance du PIB des pays émergents. La troisième classe se concentre sur les prix de l'énergie. Enfin, la dernière classe, liée au climat, est résumée par le coefficient de sensibilité du climat (Cs). Rappelons que le Cs est défini comme l'augmentation de la température qui résulteraient d'un doublement de la concentration atmosphérique de GES, par rapport au niveau de l'ère pré-industrielle. En termes de politiques climatiques, une variation de la valeur supposée de Cs va induire une modification de la cible de concentration de GES à long terme, et en conséquence une modification du calendrier de réduction des émissions de GES, et donc finalement une adaptation du système énergétique mondial. D'un point de vue politique, il faut formuler un planning de réduction des émissions qui sera mis en œuvre dès maintenant et qui sera éventuellement corrigé ou adapté une fois que la valeur du coefficient  Cs sera (mieux) connue. Nous supposons que l'incertitude sur la valeur du coefficient Cs sera résolu en 2030, et nous générons différents plannings de réduction d'émission correspondant à différentes valeurs du coefficient Cs en utilisant la version stochastique du modèle TIAM. Ce faisant, nous obtenons une trajectoire d'émissions jusqu'en 2030 et ensuite des profils différents en fonction de la sensibilité du climat révélé. GEMINI-E3 est exécuté pour un ensemble de scénarios correspondant à des valeurs de l'échantillon pour tous les paramètres incertains. Dans le cas de la valeur du coefficient Cs, la valeur estimée déterminera un agenda des réductions d'émission de GES après 2030, obtenu par interpolation des trajectoires d'émissions produites par la version stochastique du modèle TIAM. Les résultats de simulation représentée par les indicateurs économiques, comme par exemple la perte de bien-être, la consommation d'énergie et le prix du carbone, sont statistiquement analysés en utilisant des modèles de régression logit et standard. Cela permet d'identifier les paramètres les plus sensibles et leur rôle dans la difficulté à atteindre certains objectifs de réduction.

Télécharger un rapport technique (en anglais)

Références

N. Andronova and M. E. Schlesinger. Objective estimation of the probability distribution for climate  sensitivity. J. Geophys. Res., 106, 2001.

A. Bernard and M. Vielle. GEMINI-E3, a General Equilibrium Model of International & National Interactions between Economy, Energy and the Environment. Computational Management Science, 5(3):173--206, May 2008.

J. Edmonds and J. Reilly. Global energy: assessing the future. New York: Oxford University Press, 1985.

R. Iman and J. Helton. An investigation of uncertainty and sensitivity analysis techniques for computer models. Risk Analysis, 8(1):71--90, 1988.

S. Kypreos. Stabilizing global temperature change below thresholds: Monte carlo analyses with merge. Computational Management Science, 5(1):141--170, 2008.

R. Loulou and M. Labriet. ETSAP-TIAM: the TIMES integrated assessment model Part I: Model structure. Computational Management Science, 5(1):7--40, 2008.

A. Manne and R. Richels. The Costs of Stabilizing Global CO2 Emissions: A Probabilistic Analysis Based on Expert Judgment. Energy Journal, 15(1):31--56, 1994.

J. Reilly, J. Edmonds, R. Gardner, and A. Brenkert. Monte carlo analysis of the IEA/ORAU Energy/Carbon Emissions Model. The Energy Journal, 8(3):1--29, 1987.

M. Scott, R. Sands, J. Edmonds, A. Liebetrau, and D. Engel. Uncertainty in Integrated Assessment Models: Modeling with MiniCAM 1.0. Energy Policy, 27(14):597, 1999.

M. Webster, M. Babiker, M. Mayer, J. Reilly, J. Harnisch, M. Sarofim, and C. Wang. Uncertainty in Emissions Projections for Climate Models. Atmospheric Environment, 36(22):3659--3670, 2002.

M. Webster, S. Paltsev, J. Parsons, J. Reilly, and H. Jacoby. Uncertainty in Greenhouse Emissions and Costs of Atmospheric Stabilization. Technical report, Joint Program Report Series, in press, 61 pages.   http://globalchange.mit.edu/pubs/abstract.php?publication$\_$id=974, 2008.

Lien vers le site du projet EUFP7-PLANETS

Probabilistic Long Term Assessment of New Energy Technology Scenarios

http://www.feem-project.net/planets/