Scénario référence
Comment construire le scénario référence
Le scénario de base, scénario référence ou encore scénario BaU (pour Business as Usual), correspond à la situation où aucune politique de changement climatique n'est jugée nécessaire. Comme pour les autres scénarios, nous utilisons les trois modèles TIAM - GEMINI-E3 - GENIE. Le résultat est une représentation économique et climatique harmonisée et cohérente entre ces trois modèles. La procédure est décrite ci après dans la figure 1.
Sur la base de l'évolution démographique à l'horizon 2100 tirée des travaux de l'organisation des Nations Unies et d'hypothèses sur la productivité du travail, nous déterminons un scénario d'évolution du Produit Intérieur Brut (PIB) des économies mondiales pour le 21ième siècle. Ces hypothèses sont ensuite introduites dans les modèles TIAM et GEMINI-E3, un premier couplage est établi entre ces deux modèles. Le modèle TIAM détermine les prix des énergies compte tenu de sa description de l'évolution des ressources énergétiques. En retour GEMINI-E3 communique à TIAM une désagrégation sectorielle de l'évolution du PIB sur la période 2005-2030, ces hypothèses sont ensuite extrapolées sur la période 2030-2100 par TIAM. Les résultats des deux modèles sont ensuite confrontés et les différences analysées, pour certains paramètres une harmonisation est menée. C'est le cas des capacités des centrales électronucléaires dont l'évolution est harmonisée. L'objectif de ce travail n'est pas d'aboutir à une harmonisation complète, « une certaine liberté » étant laissée aux deux modèles, permettant de traduire l'incertitude au niveau des résultats économiques, mais de s'assurer que les hypothèses de simulation sont cohérentes et communes. Nous nous assurons ainsi que les émissions mondiales de gaz à effet de serre sont proches entre les deux modèles. Une fois ce couplage mené les émissions de gaz à effet de serre sont utilisées par GENIE qui calcule alors les impacts climatiques de cette évolution économique, nous aboutissons alors à un scenario harmonisée de l'évolution climatique et économique.
Hypothèses macro-économiques
Le tableau 1 donne l'évolution du Produit Intérieur Brut sur la période 2010-2100. La croissance du PIB mondial subirait un ralentissement continu sur la période pour atteindre à la fin du 21ième siècle 0.9% par an. Les pays industrialisés feraient face à des taux de croissance inférieur à 2% dès la première partie du 21ième siècle consécutif à un vieillissement de la population et à des taux de productivité modestes. A la fin du 21ième siècle le taux de croissance des pays industrialisés se situerait aux alentours de 0.6% par an. Au sein des pays en développement le premier début de notre siècle serait caractérisé par une plus grande hétérogénéité, la zone asiatique et en particulier la Chine et l'Inde continuerait à avoir une croissance soutenue qui se ralentirait ensuite à la fin de notre siècle. Plus modeste la croissance des autres pays en développement se maintiendrait en fin de siècle pour se situer au dessus de la zone Asie.
Ces hypothèses de croissance ont été utilisées par de nombreux groupes de modélisateurs dans les projets, comme par exemple PLANETS, du 7ème programme cadre européen (FP-7).
Le tableau 2 présente l'évolution de la croissance économique sur la
période 2010-2030 pour l'Europe sur la base des résultats du modèle GEMINI-E3.
Prix des énergies
Le prix du pétrole sur les marchés internationaux atteint près de 100 $ / bbl en 2030, et 140 $ / baril d'ici la fin du siècle. En plus d'examiner les caractéristiques des réserves et de la dynamique d'extraction, le scénario de référence considère une stratégie de maximisation du profit pour les régions de l'OPEP qui réduisent leur production à 80% de la production qui seraient obtenus dans l'équilibre mondial parfait. Ce taux a été défini lors d'analyses du comportement stratégique des régions de l'OPEP à l'aide du modèle TIAM (Loulou et al., 2009). Le marché du gaz est globalement divisé en trois : le marché américain, le marché Russie-Europe-Afrique et le marché asiatique. Cependant, le développement du gaz naturel liquéfié a tendance à réduire les distinctions entre ces trois marchés. Les prix du gaz ont tendance à suivre l'augmentation du prix du pétrole, tandis que l'Europe, plus proche des fournisseurs africain et russe, bénéficie d'un prix légèrement plus faible que le reste du monde. Le charbon reste à bas prix durant toute la période en raison de ressources abondantes et largement distribuées.
Energie primaire et consommation finale
Le système énergétique mondial est dominé par les combustibles fossiles, le charbon en particulier en raison des prix du pétrole relativement élevés. Le charbon est utilisé principalement pour la production d'électricité et les activités industrielles, mais aussi pour la production de carburants synthétiques à partir du milieu du siècle. Les carburants de synthèse contribuent à la diminution de la consommation d'énergie provenant du pétrole, tandis que la consommation de pétrole (y compris les combustibles synthétiques) par les secteurs d'utilisation finale ne diminue pas. L'augmentation de la consommation de la biomasse et des biocarburants est aussi motivée par les exigences de l'industrie (biomasse) et des activités de transport (bio-éthanol, bio-diesel). La part de l'électricité dans la consommation finale d'énergie est légèrement augmentée, ce qui illustre une tendance à l'électrification du système énergétique.
Production électrique
La production d'électricité augmente d'un facteur proche de 3.5 entre 2005 et 2100. La part relative des combustibles fossiles diminue (de 67% à 40% de la production totale d'électricité) compensée par l'augmentation de l'énergie nucléaire (de 15% à 24%) et des énergies renouvelables (de 17% à 35%, y compris la biomasse). Parmi les sources d'énergies renouvelables, l'hydroélectricité reste dominante, mais l'énergie éolienne, notamment, pénètre le marché, en particulier dans les pays en développement. Il convient de souligner que l'électricité d'origine nucléaire est bornée dans TIAM (limite inférieure et supérieure), tout comme le nombre de centrales nucléaires installables qui dépend non seulement de considérations technico-économiques mais aussi de facteurs socio-politiques (acceptabilité, disponibilité du capital, etc) qui ne sont pas directement représentés dans TIAM.
Emissions de gaz à effet de serre
Les émissions mondiales de gaz à effet de serre (CO2, CH4, N2O) augmenteraient de façon continue au cours de notre siècle pour atteindre en 2100, 25 giga tonnes de carbone (dont 20 uniquement pour le CO2). Les émissions des pays industrialisés croitraient modérément jusqu'à la moitié du 21ième siècle pour ensuite se stabiliser à environs 6 giga tonne de carbone. Les émissions de l'Asie augmenteraient le plus fortement sur la période et seraient multipliées par trois et représenteraient en fin de siècle la moitié des émissions mondiales. Au sein de cette zone la Chine représenterait 60% des émissions. La Russie ferait aussi face à un développement important de ses émissions suivie par le Moyen-Orient. L'Afrique doublerait ses émissions sur la période, alors que les émissions de l'Amérique Centrale et Latine n'augmenterait que de 70%.
La concentration atmosphérique de CO2 qui résulte de ces émissions atteind 650 ppm à la fin de l'horizon temporel.
Les décisions de choix technologiques et énergétiques et la croissance de la demande en énergie sont les facteurs expliquant ces trajectoires d'émissions.
Les émissions
par secteur du CO2 (uniquement) représentées dans la figure 10 montrent la contribution élevée de l'industrie et de
l'électricité aux émissions mondiales, et l'augmentation
particulièrement forte de l'industrie et les secteurs en amont (principalement à cause de la croissance de la production de
carburants de synthèse), tandis que les émissions des autres secteurs
restent à peu près constantes, grâce à une efficacité accrue, la
tendance à l'électrification de ces secteurs ou l'utilisation de
bio-carburants.
NOTE:
Il s'agit des émissions de CO2 (uniquement). Il manque donc le CH4 et le N2O pour atteindre le 25/26 Giga tonnes des graphiques précédents.
Climat
GENIE montre une tendance bien connue du réchauffement climatique, semblable à celle observée dans de nombreuses simulations précédentes présentées par le GIEC.
Le réchauffement
à l'horizon 2100 est concentré sur les zones terrestres, ceci étabt dû en grande partie à
l'inertie thermique des océans et aux effets de rétroaction positive
de la fonte des neiges. Un réchauffement plus intense dans les régions de hautes latitudes est également largement observé.
L'augmentation de la température moyenne de l'air de surface dans le scénario de référence est égal à 3.55 degrés par rapport à l'ère pré-industrielle.
Notons que l'augmentation de température dans l'ensemble des résultats de GENIE (ci-dessous) est mesurée par rapport à 2005. L'augmentation de température comparée à l'ère pré-industrielle est donc égale à celle observée par GENIE à laquelle on ajoute 0.76°C (augmentation de température entre l'ère pré-industrielle et 2005).
Les incertitudes sont plus largement prises en compte dans GENIE-2,
en raison de la plus grande complexité (liée à la dynamique) du modèle, comparé à GENIE-1.
Bien
qu'en principe notre méthode tienne compte de toutes les sources
d'incertitude, il est pratiquement impossible de quantifier «l'incertitude incertaine». La divergence entre les prédictions des modèles complexes,
en particulier pour les changements régionaux, est généralement plus
grandes que celle observée pour des modèles simples (Crucifix 2006
Geophysical Res. lettres). Ainsi,
nous nous attendons à avoir des incertitudes plus grandes dans GENIE-2 (écart-type
autour de 1 à 2 °C sur la terre pour le scénario de référence).
Notons aussi
que le changement du carbone dans la végétation à l'horizon 2105 est de signe
incertain, encore une fois du fait de la complexité du modèle (Friedlingstein et al. J. Climate 2006).